Un jour ordinaire au musée
Anthony Freestone
Texte pour l’exposition à la galerie Nicolas Silin - 25 janvier / 7 mars 2020
Il y a quelques années, en écoutant l’émission de France Culture La Fabrique de l’Histoire, j’appris l’existence d’une “machine à accoucher”, sorte de mannequin destiné à l’enseignement de l’art de l’accouchement, fabriqué pour Madame du Coudray, sage-femme, au XVIIIème siècle.
Tout de suite, un rapprochement s’est fait dans mon esprit avec le mannequin d’Étant donnés de Marcel Duchamp. Il semblait plus que probable que l’artiste, avait, lors d’un de ses séjours à Rouen, vu ce mannequin et qu’il en avait été marqué au point que sa dernière oeuvre en dérivât.
En même temps, deux textes revenaient à ma mémoire, sur lesquels j’avais déjà travaillé auparavant : celui de Freud, datant de 1910, sur le traumatisme de la naissance et celui de l’anthropologue américaine Margaret Mead sur les Mundugumor, tribu de Papouasie, publié en 1935. L’un parlait du traumatisme de la naissance que Jules César, né par césarienne, n’aurait pas connu ; et l’autre du fait que chez les Mundugumor, ne peuvent être artistes que les personnes nées avec le cordon ombilical autour du cou, ce qui fut mon cas lors de ma naissance.
Comme d’habitude, mon travail consista à recueillir des documents sur les différents thèmes abordés que je copiais soigneusement ensuite et juxtaposais en un polyptyque que je nommais Parto, en hommage à la Madonna del Parto (Madonne de la parturition) de Piero della Francesca.
Cette idée d’engendrement, de descendance me semblait assez riche pour que je tente de l’aborder d’une toute autre manière qui dialoguerait avec ce mannequin, très organique, de Madame du Coudray. La forme du schéma me semblait particulièrement intéressante. Lorsque je commençais, à la fin des années 70, alors que j’avais dix-sept ou dix-huit ans, à m’intéresser à l’art contemporain, il n’existait que deux ou trois livres montrant ce qui se passait en France. L’un était le livre de Jean Clair, Art en France, Une nouvelle génération, qui figurait en couverture un schéma montrant les différentes directions dans lesquelles les artistes travaillaient. Deux autres graphiques m’avaient marqué : celui figurant dans les premières pages du catalogue du Centre Pompidou Les Réalismes (1980), et la couverture du catalogue de l’exposition Cubism and Abstract Art (1936) au MoMA à New York.
En cherchant ces différents diagrammes parlant des filiations entre artistes, le schéma intitulé Average day at the museum, paru en 1940 dans le rapport annuel du MoMA m’amusa beaucoup et je décidai de le joindre à la série. Toutes ces filiations ne sont elles pas ce qui constitue un musée personnel ou une famille idéale?