Relire Proust
Antony Freestone
Ma première lecture de La Recherche du Temps Perdu s’est faite sur plus d’une vingtaine d’années, entre 1978 et 2000. Je ne gardais qu’un souvenir confus du début quand j’abordai la fin. J’avais l’impression que ce que je savais de Proust venait davantage de ce que j’avais lu ou entendu sur lui que de mon expérience de lecteur. Je comprenais aussi que le temps était une question centrale de mon travail et j’eus l’idée de noter les passages de La Recherche qui me touchaient particulièrement.
En 2013, je décidai de relire Proust.
En parallèle, je commençais à réunir une collection d’images d’actrices de cinéma dont la beauté me touchait. Il s’agissait non pas tant de réunir des images de femmes universellement reconnues pour leur beauté que de distinguer parmi elles celles qui me touchaient, moi, intimement. Celles qui m’émouvaient le plus étaient souvent celles qui n’apparaissaient que furtivement dans les films, parfois seulement quelques secondes, mais qui l’illuminaient de leur beauté fugitive. Elles sont des Beautés oubliées.
La relecture me prit deux ans. J’avais réuni quelques centaines d’extraits de La Recherche. Je choisis dix passages qui concernaient l’amour ou le temps, parfois les deux. Parmi les milliers de photographies d’actrices, je choisis quelques dizaines de Beautés oubliées.
A la fin du travail sur Proust, je trouvai un recueil de l’année 1911 de la revue La Science au XXème Siècle. Curieusement, plusieurs articles me semblaient traiter de préoccupations très actuelles. Parmi ces articles, l’un étudiait la foudre et ses différentes manifestations. Il m’a alors semblé que ces Coups de foudre s’inséreraient justement dans cette suite proustienne.
Anthony Freestone, Mars 2018
Quelques mois après avoir écrit ce texte, je vérifiai dans le cahier où j’écris, depuis 1990, tous les livres lus, à quelle date j’avais, pour la première fois, terminé La Recherche. C’est en réalité en avril 92 que je lu Le Temps retrouvé. Ma première lecture s’est donc étirée entre 1978 et 1992, soit 14 ans. Dans les années qui ont suivi, je lu Les Plaisirs et les jours, Jean Santeuil, Contre Sainte Beuve, la Correspondance de Proust avec Gaston Gallimard et des livres sur Proust. Je me souviens particulièrement de celui, assez peu connu, de Jacques J. Zephir, La Personnalité humaine dans l’oeuvre de Proust (Les Lettres Modernes, 1959) que je lu en mai 1993 et qui m’avait beaucoup intéressé. Ce livre m’avait été offert et je trouvai amusant que ce Jacques Zéphir, dont le livre était, presque par hasard, tombé entre mes mains, soit aussi celui qui avait écrit un autre livre que je possédais : Le Néo-Féminisme de Simone de Beauvoir (Denoël-Gonthier, 1982) que j’avais dû lire avant 1990 puisque je n’en garde pas de trace dans mon cahier. Simone de Beauvoir a été l’une des passions de lecture de mon adolescence. j’ai lu Le Deuxième Sexe à 16 ans et ce sont les Mémoires de Beauvoir qui m’ont donné envie de lire Michel Leiris. Je crois avoir ailleurs raconté qu’à ma première lecture (probablement au tout début des années 80) l’Âge d’homme m’échappa complètement et ce n’est qu’à la deuxième lecture, précisément en janvier 90 (c’est le premier livre de mon Cahier de lecture) que je compris à quel point ce travail me touchait et me passionnait. Leiris, Léautaud, Proust et Emmanuel Bove, sont mes écrivains préférés.