Art Press n°252
Pascale Le Thorel-Daviot
ANTHONY FREESTONE Centre d’arts plastiques
25 septembre - 30 octobre 1999
Jean-Claude Guillaumon, artiste et directeur du centre d’arts plastiques de Saint-Fons, près de Lyon, dit entretenir un «rapport passionnel avec les artistes». Il le prouve une fois de plus tant l’accrochage des tableaux d’Anthony Freestone est réfléchi, tant la signalétique, les efforts faits pour rendre clairs les cartels et donner des clés pour la lecture d’une oeuvre rhizomatique sont importants. Ainsi, des textes de l’artiste décryptent le chemine-ment analogique qui donne naissance à ses tableaux.
En effet, les compositions picturales d’Anthony Freestone (peintures à l’acrylique sur bois) constituent à la fois l’évocation d’un «recueil de reliques» (terme qu’il emprunte au journal de Michel Leiris) et une tentative d’établir des correspondances entre les différents éléments de ce recueil. ll dit que «les tableaux s’apparentent en quelque sorte au jeu de dominos, quand des pions, dispersés en début de partie, se retrouvent petit à petit liés les uns aux autres au fil des combinaisons». ll montre ici la série des Tartans, de grands tableaux carrés au format toujours identique qui reprennent, par un jeu d’entrecroisement et de glacis, les motifs des étoffes des clans écossais mais qui peuvent aussi être regardés en référence à l’histoire de la peinture abstraite et de son rapport supposé ou non au réel.
Il présente également différents polyptyques narratifs, comme la Tour de Babel (1998) ou Alice in Wonderland/Blow-up/The Prisoner (1996), qui en appellent à des éléments autobiographiques mais aussi à la psychanalyse, à la Bible, à l’histoire, au cinéma, aux séries TV, à la littérature…
Tous ces tableaux sont copiés, peints, à partir de documents pré-existants (modèles de tissus, cartes géographiques, images et textes). On pourrait s’interroger : pourquoi recopier si fidèlement au pinceau ce qui pourrait être reprographié mécaniquement? Anthony Freestone défend une idée de labeur, de combinaison, d’appropriation surtout, qui le mène à la création de parcours qui sont ceux de la pensée et que le regardeur, qui se laisse prendre, s’approprie lui aussi.
L’exposition est accompagnée d’un catalogue, avec un texte de Jean-Marc Huitorel qui résume parfaitement cette problématique quand il écrit qu’Anthony Freestone s’intéresse à «la duplicité d’une peinture partagée entre les histoires compliquées qui s’y nichent et l’immédiateté rétinienne des représentations mimétiques, entre les arcanes du sens et les plaisirs visuels»).
Pascale Le Thorel-Daviot, Art Press n°252, décembre 1999