En 2002 je fus contacté par Anne Laborde qui avait entendu parler de mon travail sur les tartans écossais. Lors de notre première rencontre, elle me raconta que son père, Gwenn-Aël Bolloré, décédé quelques mois plus tôt avait appartenu à un bataillon de fusiliers marins commandos au sein de l’armée britannique. Les membres de ce commando avaient depuis obtenu l’autorisation de porter leur propre tartan en souvenir de leur entraînement dans le camp militaire de Achnacarry en Ecosse, ce tartan, Cameron commando, était une variante de l’habituel tartan du clan Cameron. J’appris aussi que son père avait plus tard dirigé les éditions de La Table Ronde. Anne Laborde me demanda s’il me serait possible de faire un travail sur cette histoire. Je lui demandai de me communiquer les livres écrits par Gwenn-Aël Bolloré, textes autobiographiques ou autres ouvrages ainsi qu’une pièce de tissu du tartan.
Je décidai alors de réunir en un polyptyque différents éléments de la vie de Gwenn-Aël Bolloré. Trois documents me semblaient complémentaires et nécessaires : un portrait photographique, une carte géographique actuelle de Ouistream, là où il avait débarqué et le motif du tartan Cameron Commando.
En lisant le livre de G.-A. Bolloré J’ai débarqué le 6 juin 1944, je songeais au journal que ma mère avait écrit, alors adolescente, pendant la guerre. Je relus alors le texte du 6 juin 1944, jour du débarquement allié en Normandie :
6 juin. Les Anglais et les Américains ont débarqué en Normandie ! ! ! Batailles navales et aériennes. Bombardement de Dieppe, Le Havre, Cherbourg. Il faut voir les petits sourires entendus que les gens s’envoient ! - sept alertes.
Puisque ce polyptyque était marqué dès l’abord par la relation fille/père, il me semblait juste d’y mêler mes propres relations fils/mère, d’autant que ma mère m’a souvent parlé de l’occupation et de la libération pendant mon enfance. J’aimais également que ce court texte mentionnât la ville du Havre où j’avais, en 1994 au Musée Malraux, eu ma première exposition personnelle importante. Je décidai donc de copier un extrait de ce journal.
Le choix du tartan Cameron comme base à partir de laquelle le tartan Cameron Comando fut créé me ramenait curieusement à la question de l’édition qui occupa une partie de la vie de G.-A. Bolloré. J’ai tendance lorsque je lis un livre, à parcourir tout ce qui y est écrit, de la première à la dernière page, y compris le dépôt légal ou la date et le lieu de l’impression et j’ai toujours été intrigué par la mention qui apparaissait sur certains livres : imprimé sur système Cameron, j’eus donc l’idée de demander à Anne Laborde si un livre des éditions de La Table Ronde avait été ainsi imprimé. Lorsque je me trouvai devant sa bibliothèque contenant tous les ouvrages publiés par la maison d’édition, je repérai immédiatement le nom de Georges Guétary. Je savais que ce chanteur avait été pendant l’occupation l’idole de ma mère et qu’elle en parlait à mainte reprises dans son journal. Le titre de l’ouvrage était Les hasards fabuleux, et ce fut précisément l’un de ces fabuleux hasards qui fit que l’ouvrage se révéla être imprimé sur ce système Cameron. Je décidais donc d’intégrer au polyptyque non seulement la copie peinte des premières et dernières pages contenant le titre et le système d’impression mais aussi l’entrée du journal de ma mère le 5 avril 1944 :
Aujourd’hui journée épatante ! J’ai reçu la photo dédicacée de Georges Guétary, il a mis « pour G. Sterckeman, G. Guétary » c’est tout ce que je voulais ! et il n’a mis que 13 jours pour répondre, c’est court puisqu’il a fallu que ça passe par Le Film Complet avant. Bref, je suis très très contente et je pense qu’il est de plus en plus épatant ! à part cette nouvelle, rien de neuf. Beau temps, pas d’alerte. Je suis en vacances de Pâques à partir de ce soir mercredi. J’ai mis la photo dans un cadre.